Arrêtée en possession de lunettes de protection, une manifestante infirmière porte plainte

Une infirmière de 58 ans a été placée en garde à vue et a fait l’objet d’un rappel à la loi après que les forces de l’ordre l’ont découverte en possession de lunettes et d’un masque de protection alors qu’elle se rendait en septembre à une manifestation anti-pass à Paris. Son avocat dénonce une « arrestation arbitraire », écrit Le Parisien.

Une infirmière retraitée, arrêtée alors qu’elle se dirigeait vers une manifestation anti-pass sanitaire en septembre, a porté plainte pour arrestation arbitraire, rapporte Le Parisien. Outre sa blouse blanche, son sac à dos contenait un masque et des lunettes de protection, des objets susceptibles de saper les efforts des représentants de la force publique pour maintenir l’ordre.
Samedi 11 septembre, cette habitante du Bourget (Seine-Saint-Denis) de 58 ans et son compagnon, tous deux à scooter, ont été interpellés rue de Sèvres.
« J’ai vu des Tortues Ninja qui nous ont demandé nos papiers et ils ont trouvé dans mon sac à dos: un masque de protection, des lunettes et une blouse blanche. Je m’étais équipée parce que je suis cardiaque. Peu de temps auparavant à Bastille, je me suis trouvée bloquée dans une manifestation où il y avait des gaz et j’ai été prise d’une crise de tachycardie. Cette fois-ci, je m’étais équipée pour éviter cela », raconte-t-elle au quotidien. Cependant, on ignore si ces objets ont été confisqués.
Édités à l’approche de manifestations, certains arrêtés préfectoraux, par exemple un recueil des actes administratifs spécial publié le 3 août 2021 pour la région Île-de-France, interdisent le port « d’objets destinés à dissimuler tout ou partie du visage afin de ne pas être identifié, et d’équipements de protection destinés à mettre en échec tout ou partie des moyens utilisés par les représentants de la force publique pour le maintien de l’ordre public ».
L’infirmière a été conduite au commissariat du XVe arrondissement et placée en garde à vue. « Les officiers de police judiciaire OPJ ont été super, j’ai fait une crise au commissariat, j’ai vu un médecin et j’ai pu prendre mon traitement. Mais j’ai quand même été déférée au palais de justice où j’ai fait une seconde crise », poursuit-elle auprès du Parisien.
Visée par un rappel à la loi pour participation à un rassemblement en vue de commettre des violences, la femme a refusé de le signer: « J’en sors traumatisée et je suis encore très en colère », a livré l’infirmière retraitée.
Atteinte au droit de manifester?
Tarek Koraitem, l’un des deux avocats ayant obtenu la suspension du pass sanitaire dans les centres commerciaux des Yvelines, a estimé auprès du quotidien que cette garde à vue était « proprement arbitraire », car la quinquagénaire n’a commis aucune infraction, selon lui.
Il en a également conclu que les forces de l’ordre avaient ainsi décidé de l’empêcher de rejoindre les rangs des manifestations. « C’est une atteinte à ses droits d’aller et de venir comme les manifestants », a tranché Me Koraitem.
Contactée par le quotidien, la police parisienne a toutefois indiqué que cette dame « circulait avec des objets interdits et a été contrôlée dans le cadre d’une réquisition du procureur ». Avant d’indiquer qu’elle était infirmière en disponibilité, la femme a affirmé dans un premier temps être actrice. Dans ce cas, le rappel à la loi est complètement justifié, explique la police. Elle n’aurait pas été mise en place « à défaut d’éléments probants ».
En juillet 2020, le Défenseur des droits a publié de nouvelles recommandations au sujet de l’encadrement des manifestations par les forces de l’ordre. Entre autres, l’institution a mis en relief « l’absence de cadre légal, de modalités de confiscation, de stockage ou de restitution » des objets portés par les manifestants.
Le Défenseur des droits souligne le fait que dans ce cas, le droit de propriété n’est pas respecté. Enfin, il rappelle l’importance de la mission administrative de prévention et d’encadrement dont les forces de l’ordre sont chargées lors des manifestations, le placement en garde à vue conduisant à la violation du droit de manifester de la personne concernée.
Manifestations lors de la pandémie
Depuis quelques années, les manifestants utilisent de plus en plus souvent des masques, des casques et des lunettes de protection, en raison de l’augmentation du recours au gaz lacrymogène et aux LBD par les forces de l’ordre, a indiqué Amnesty International dans un rapport publié fin septembre 2020.
En conformité avec une interdiction générale introduite en 2019, le fait de couvrir son visage pendant des manifestations est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 15.000 euros et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Dans le contexte de la crise sanitaire, cette position doit être revisitée « de toute urgence », avait estimé l’ONG à l’époque, car le masque sert de moyen de protection contre le virus. Cependant, aucune modification judiciaire n’a été apportée depuis.